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sommes considérables. Il se révolta contre sa fortune et contre sa superstition, il s’obstina et perdit encore. Enfin, un jour qu’il sortait de chez la comtesse Orsini, il ne put s’empêcher de s’écrier dans l’escalier : Dieu me pardonne ! je crois que ce vieux fou avait raison, et que ma bourse était ensorcelée ; car je n’ai plus un dé passable depuis que je l’ai rendue à la Bianchina.

En ce moment, il aperçut, flottant devant lui, une robe à fleurs, d’où sortaient deux jambes fines et lestes ; c’était la mystérieuse négresse. Il doubla le pas, l’accosta, et lui demanda qui elle était et à qui elle appartenait.

— Qui sait ? répondit l’Africaine avec un malicieux sourire.

— Toi, je suppose. N’es-tu pas la servante de Monna Bianchina ?

— Non ; qui est-elle, Monna Bianchina ?

— Eh ! par Dieu ! celle qui t’a chargée l’autre jour de m’apporter cette boîte que tu as si bien jetée sur mon balcon.

— Oh ! Excellence, je ne le crois pas.

— Je le sais ; ne cherche pas à feindre ; c’est elle-même qui me l’a dit.

— Si elle vous l’a dit,… répliqua la négresse d’un air d’hésitation. Elle haussa les épaules, réfléchit un instant ; puis, donnant de son éventail un petit coup sur la joue de Pippo, elle lui cria en s’enfuyant :

— Mon beau garçon, on s’est moqué de toi.