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déplut beaucoup au jeune homme. Elle se présenta seule chez lui, pendant son absence, donna quelque argent à un domestique, et réussit à se cacher dans l’appartement. En rentrant, il la trouva donc, et il se vit forcé de lui dire, sans détour, qu’il n’avait point d’amour pour elle, et qu’il la priait de le laisser en repos.

La Bianchina, qui, comme je l’ai dit, était jolie, se laissa aller à une colère effrayante ; elle accabla Pippo de reproches, mais non plus tendres cette fois. Elle lui dit qu’il l’avait trompée en lui parlant d’amour, qu’elle se regardait comme compromise par lui, et qu’enfin elle se vengerait. Pippo n’écouta pas ses menaces sans s’irriter à son tour ; pour lui prouver qu’il ne craignait rien, il la força de reprendre à l’instant même un bouquet qu’elle lui avait envoyé le matin, et, comme la bourse se trouvait sous sa main : — Tenez, lui dit-il, prenez aussi cela ; cette bourse m’a porté bonheur, mais apprenez par là que je ne veux rien de vous.

À peine eut-il cédé à ce mouvement de colère, qu’il en eut du regret. Monna Bianchina se garda bien de le détromper sur le mensonge qu’elle lui avait fait. Elle était pleine de rage, mais aussi de dissimulation. Elle prit la bourse et se retira, bien décidée à faire repentir Pippo de la manière dont il l’avait traitée.

Il joua le soir comme à l’ordinaire, et perdit ; les jours suivants, il ne fut pas plus heureux. Ser Vespasiano avait toujours le meilleur dé, et lui gagnait des