Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Nouvelles et Contes I.djvu/250

Cette page a été validée par deux contributeurs.

majuscules, et une belle dame de Brescia dont c’était à peu près la main.

Rien n’est plus désagréable qu’une idée fâcheuse venant se glisser tout à coup au milieu de semblables rêveries ; c’est à peu près comme si, en se promenant dans une prairie en fleur, on marchait sur un serpent. Ce fut aussi ce qu’éprouva Pippo lorsqu’il se souvint tout à coup d’une certaine Monna Bianchina, qui depuis peu le tourmentait singulièrement. Il avait eu avec cette femme une aventure de bal masqué, et elle était assez jolie, mais il n’avait aucun amour pour elle. Monna Bianchina, au contraire, s’était prise subitement de passion pour lui, et elle s’était même efforcée de voir de l’amour là où il n’y avait que de la politesse ; elle s’attachait à lui, lui écrivait souvent, et l’accablait de tendres reproches ; mais il s’était juré un jour, en sortant de chez elle, de ne jamais y retourner, et il tenait scrupuleusement sa parole. Il vint donc à penser que Monna Bianchina pouvait bien lui avoir fait une bourse et la lui avoir envoyée ; ce soupçon détruisit sa gaieté et les illusions qui le berçaient ; plus il réfléchissait, plus il trouvait vraisemblable cette supposition ; il ferma sa fenêtre de mauvaise humeur, et se décida à se coucher.

Mais il ne pouvait dormir ; malgré toutes les probabilités, il lui était impossible de renoncer à un doute qui flattait son orgueil. Il continua à rêver involontairement : tantôt il voulait oublier la bourse et n’y plus