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mettre son cœur à nu et entendre discuter ses secrets les plus chers ; il est inutile de dire que l’on ne put rien décider. M. Hombert voulut voir Bernerette ; il alla chez elle, lui parla longtemps, et lui fit mille questions auxquelles elle sut répondre avec une grâce et une naïveté qui touchèrent le vieillard. Il avait eu, comme tout le monde, ses amourettes de jeunesse. Il sortit de cet entretien fort troublé et fort inquiet. Il fit venir son fils, et lui dit qu’il était décidé à faire un petit sacrifice en faveur de Bernerette, si elle promettait, quand elle serait rétablie, d’apprendre un métier. Frédéric transmit cette proposition à son amie.

— Et toi, que feras-tu ? lui dit-elle ; comptes-tu rester ou partir ?

Il répondit qu’il resterait ; mais ce n’était pas l’avis de la famille. Sur ce point, M. Hombert fut intraitable. Il représenta à son fils le danger, la honte, l’impossibilité d’une liaison pareille ; il lui fit sentir, en termes bienveillants et mesurés, qu’il se perdait de réputation, qu’il ruinait son avenir. Après l’avoir forcé de réfléchir, il employa l’irrésistible argument qui fait la toute-puissance paternelle : il supplia son fils ; celui-ci promit ce qu’on voulut. Tant de secousses, tant d’intérêts divers l’avaient agité, qu’il ne savait plus à quoi se résoudre, et, voyant le malheur de tous les côtés, il n’osait ni lutter ni choisir. Gérard lui-même, ordinairement ferme, cherchait vainement quelque moyen de salut, et se voyait obligé de dire qu’il fallait laisser faire le destin.