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guide. Il faut marcher même quand on souffre, car nul ne sait où il va. Je suis libre et bien jeune encore ; il faut prendre courage et se résigner.

Comme il était plongé dans ces pensées, Gérard parut et accourut vers lui. Il était pâle et très ému.

— Mon ami, lui dit-il, il faut y aller. Vite, ne perdons pas de temps.

— Où me mènes-tu ?

— Chez elle. Je t’ai conseillé ce que j’ai cru juste ; mais il y a telle occasion où le calcul est en défaut, et la prudence hors de saison.

— Que se passe-t-il donc ? s’écria Frédéric.

— Tu vas le savoir ; viens, courons.

Ils allèrent ensemble chez Bernerette.

— Monte seul, dit Gérard, je reviens dans un instant ; — et il s’éloigna.

Frédéric entra. La clef était à la porte, les volets étaient fermés.

— Bernerette, dit-il, où êtes-vous ?

Point de réponse.

Il s’avança dans les ténèbres, et, à la lueur d’un feu à demi éteint, il aperçut son amie assise à terre près de la cheminée.

— Qu’avez-vous ? demanda-t-il, qu’est-il arrivé ?

Même silence.

Il s’approcha d’elle, lui prit la main.

— Levez-vous, lui dit-il ; que faites-vous là ?

Mais à peine avait-il prononcé ces mots, qu’il recula