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site. Plus Gérard tardait à paraître, et plus Frédéric espérait.

Cependant le ciel était sans nuages ; les arbres commençaient à se couvrir de verdure. Il y a un arbre aux Tuileries qu’on appelle l’arbre du 20 mars. C’est un marronnier qui, dit-on, était en fleur le jour de la naissance du roi de Rome, et qui, tous les ans, fleurit à la même époque. Frédéric s’était assis bien des fois sous cet arbre ; il y retourna, par habitude, en rêvant. Le marronnier était fidèle à sa poétique renommée ; ses branches répandaient les premiers parfums de l’année. Des femmes, des enfants, des jeunes gens allaient et venaient. La gaieté du printemps respirait sur tous les visages. Frédéric réfléchissait à l’avenir, à son voyage, au pays qu’il allait voir ; une inquiétude mêlée d’espérance l’agitait malgré lui ; tout ce qui l’entourait semblait l’appeler à une existence nouvelle. Il pensa à son père, dont il était l’orgueil et l’appui, dont il n’avait reçu, depuis qu’il était au monde, que des marques de tendresse. Peu à peu des idées plus douces, plus saines, prirent le dessus dans son esprit. La multitude qui se croisait devant lui le fit songer à la variété et à l’inconstance des choses. N’est-ce pas, en effet, un spectacle étrange que celui de la foule, quand on réfléchit que chaque être a sa destinée ? Y a-t-il rien qui doive nous donner une idée plus juste de ce que nous valons, et de ce que nous sommes aux yeux de la Providence ? Il faut vivre, pensa Frédéric, il faut obéir au suprême