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luttait en lui contre ces conseils. Il prit une autre voie pour parvenir à son but ; sans se rendre compte de ce qu’il voulait, ni de ce qui en pourrait advenir, il chercha un moyen d’avoir à tout prix des nouvelles de son amie. Il portait une bague assez belle, que Bernerette avait souvent regardée d’un œil d’envie. Malgré tout son amour pour elle, il n’avait jamais pu se décider à lui donner ce bijou, qu’il tenait de son père. Il le remit à Gérard, en lui disant qu’il appartenait à Bernerette, et il le pria de se charger de lui remettre cette bague, qu’elle avait, disait-il, oubliée chez lui. Gérard se chargea volontiers de la commission, mais il ne se pressait pas de s’en acquitter. Frédéric insista ; il fallut céder.

Les deux amis sortirent un matin ensemble, et, tandis que Gérard allait chez Bernerette, Frédéric l’attendit aux Tuileries. Il se mêla assez tristement à la foule des promeneurs. Ce n’était pas sans regret qu’il se séparait d’une relique de famille qui lui était chère ; et quel bien en espérait-il ? qu’apprendrait-il qui pût le consoler ? Gérard allait voir Bernerette, et si quelque parole, quelques larmes échappaient à celle-ci, ne croirait-il pas nécessaire de n’en rien témoigner ? Frédéric regardait la grille du jardin, et s’attendait à tout moment à voir revenir son ami d’un air indifférent. Qu’importe ? Il aurait vu Bernerette ; il était impossible qu’il n’eût rien à dire ; qui sait ce que le hasard peut faire ? Il aurait peut-être appris, bien des choses dans cette vi-