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les nuits ardentes de l’Ile-de-France, et les palmiers dont l’ombre frissonnait sur les bras nus de Virginie. C’est en présence de la plus riche nature qu’il nous peint ses héros ; dirai-je que les miens allaient tous les matins au tir du pistolet de Tivoli, de là chez leur ami Gérard, de là quelquefois dîner chez Véry, et ensuite au spectacle ? dirai-je que, lorsqu’ils étaient las, ils jouaient aux dames au coin du feu ? Qui voudrait lire des détails si vulgaires ? et à quoi bon, lorsqu’un mot suffit ? Ils s’aimaient, ils vivaient ensemble ; cela dura trois mois à peu près.

Au bout de ce temps, Frédéric se trouva dans une position si fâcheuse, qu’il annonça à son amie la nécessité où il était de se séparer d’elle. Elle s’y attendait depuis longtemps, et ne fit aucun effort pour le retenir ; elle savait qu’il avait fait pour elle tous les sacrifices possibles ; elle ne pouvait donc que se résigner, et lui cacher le chagrin qu’elle éprouvait. Ils dînèrent ensemble encore une fois. Frédéric glissa, en sortant, dans le manchon de Bernerette un petit papier qui renfermait tout ce qui lui restait. Elle le reconduisit chez lui, et garda le silence pendant la route. Quand le fiacre s’arrêta, elle baisa la main de son amant en répandant quelques larmes, et ils se séparèrent.