sans cesse renaissants rendent les passions plus vivaces et prêtent au plaisir l’intérêt de la curiosité, il faut avouer aussi qu’il y a un charme étrange, plus doux, plus dangereux peut-être, dans l’habitude de vivre avec ce qu’on aime. Cette habitude, dit-on, amène la satiété ; c’est possible, mais elle donne la confiance, l’oubli de soi-même, et lorsque l’amour y résiste, il est à l’abri de toute crainte. Les amants qui ne se voient qu’à de longs intervalles ne sont jamais sûrs de s’entendre ; ils se préparent à être heureux, ils veulent se convaincre mutuellement qu’ils le sont, et ils cherchent ce qui est introuvable, c’est-à-dire des mots pour exprimer ce qu’ils sentent. Ceux qui vivent ensemble n’ont besoin de rien exprimer : ils sentent en même temps, ils échangent des regards, ils se serrent la main en marchant ; ils connaissent seuls une jouissance délicieuse, la douce langueur des lendemains ; ils se reposent des transports de l’amour dans l’abandon de l’amitié : j’ai quelquefois pensé à ces liens charmants en voyant deux cygnes sur une eau limpide se laisser emporter au courant.
Si un mouvement de générosité avait entraîné d’abord Frédéric, ce fut l’attrait de cette vie nouvelle pour lui qui le captiva. Malheureusement pour l’auteur de ce conte, il n’y a qu’une plume comme celle de Bernardin de Saint-Pierre qui puisse donner de l’intérêt aux détails familiers d’un amour tranquille. Encore cet habile écrivain avait-il, pour embellir ses récits naïfs,