Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Nouvelles et Contes I.djvu/202

Cette page a été validée par deux contributeurs.


VI


Au retour, Frédéric, cette fois, reconduisit Bernerette chez elle. Il la trouva si pauvrement logée qu’il comprit aisément par quel motif elle avait d’abord refusé de se laisser ramener. Elle demeurait dans une maison garnie dont l’entrée était une allée obscure. Elle n’avait que deux petites chambres à peine meublées. Frédéric essaya de lui faire quelques questions sur la position fâcheuse où elle semblait réduite, mais elle n’y répondit qu’à peine.

Quelques jours après, il venait la voir et il entrait dans l’allée, lorsqu’un bruit étrange se fit entendre au haut de l’escalier. Des femmes criaient ; on appelait au secours, on menaçait, on parlait d’envoyer chercher la garde. Au milieu de ces voix confuses dominait celle d’un jeune homme que Frédéric aperçut bientôt. Il était pâle, couvert de vêtements déchirés, ivre à la fois de vin et de colère.

— Tu me le payeras, Louise ! cria-t-il en frappant sur la rampe, tu me le payeras ; je te retrouverai, et je saurai te faire obéir ou t’arracher d’ici. Je me soucie bien de ces menaces et de vos criailleries de femmes !