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— Faisons mieux, dit-elle ; au lieu de retourner au village, dînons ici. Cette bonne femme a bien un quartier de mouton dans sa maisonnette ; d’ailleurs voilà des poules qu’on nous fera rôtir. Demandons si cela se peut ; pendant que le dîner se préparera, nous ferons un tour dans le bois. Qu’en pensez-vous ? Cela vaudra bien les antiques perdreaux du Cheval-Blanc.

La proposition fut acceptée ; la meunière voulait s’excuser, mais, éblouie par une pièce d’or que Gérard lui donna, elle se mit à l’œuvre aussitôt, et sacrifia sa basse-cour. Jamais dîner ne fut plus gai. Il se prolongea plus longtemps que les convives n’y avaient compté. Le soleil disparut bientôt derrière les belles collines de Saint-Leu ; d’épais nuages couvrirent la vallée, et une pluie battante commença à tomber.

— Qu’allons-nous devenir ? dit Gérard. Nous avons près de deux lieues à faire pour regagner Montmorency, et ce n’est pas là un orage d’été qu’on n’a qu’à laisser passer ; c’est une vraie pluie d’hiver, il y en a pour toute la nuit.

— Pourquoi cela ? dit Bernerette ; une pluie d’hiver passe comme une autre. Faisons une partie de cartes pour nous distraire ; quand la lune se lèvera, nous aurons beau temps.

La meunière, comme on peut penser, n’avait pas de cartes chez elle ; par conséquent, point de partie. Cécile, la maîtresse de Gérard, commençait à regretter l’auberge, et à trembler pour sa robe neuve. Il fallut