oublié les paroles, l’étudiant improvisait, pour les remplacer, des vers à la louange de son amie, et, quand il ne trouvait pas la rime, un baiser en tenait lieu. Ils passaient ainsi la nuit tête à tête, sans se douter du temps qui s’écoulait.
— Tu ne fais plus rien, disait Gérard, et ton amourette passagère durera plus longtemps qu’une passion. Prends garde à toi ; tu dépenses de l’argent, et tu négliges les moyens que tu as d’en gagner.
— Rassure-toi, répondait Frédéric ; ma thèse avance, et Bernerette va entrer en apprentissage chez une lingère. Laisse-moi jouir en paix d’un moment de bonheur, et ne t’inquiète pas de l’avenir.
L’époque approchait cependant où il fallait imprimer la thèse. Elle fut achevée à la hâte et n’en valut pas moins pour cela. Frédéric fut reçu avocat ; il adressa à Besançon plusieurs exemplaires de sa dissertation, accompagnée de son diplôme. Son père répondit à cette heureuse nouvelle par l’envoi d’une somme beaucoup plus considérable qu’il n’était nécessaire pour payer les frais de retour au pays. La joie paternelle vint donc ainsi, sans le savoir, au secours de l’amour. Frédéric put rendre à son ami l’argent que celui-ci lui avait prêté, et le convaincre de l’inutilité de ses remontrances. Il voulut faire un cadeau à Bernerette, mais elle le refusa.
— Fais-moi cadeau d’un souper, lui dit-elle ; tout ce que je veux de toi, c’est toi.