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II


Frédéric et Bernerette s’étaient livrés à leur amour avant d’avoir échangé presque un seul mot, et ils en étaient à se tutoyer aux premières paroles qu’ils s’adressèrent. Enlacés dans les bras l’un de l’autre, ils s’assirent près de la cheminée, où pétillait un bon feu. Là, Bernerette, appuyant sur les genoux de son amant ses joues brillantes des belles couleurs du plaisir, lui apprit qui elle était. Elle avait joué la comédie en province. Elle s’appelait Louise Durand, et Bernerette était son nom de guerre ; elle vivait depuis deux ans avec un jeune homme qu’elle n’aimait plus. Elle voulait, à tout prix, s’en débarrasser, et changer sa manière de vivre, soit en rentrant au théâtre, si elle trouvait quelque protection, soit en apprenant un métier. Du reste, elle ne s’expliqua ni sur sa famille ni sur le passé. Elle annonçait seulement sa résolution de briser ses liens, qui lui étaient insupportables. Frédéric ne voulut pas la tromper, et lui peignit sincèrement la position où il se trouvait lui-même ; n’étant pas riche, et connaissant peu le monde, il ne pouvait lui être que