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qu’elle montra à son tour à l’étudiant. Vous jugez bien qu’il ne secoua pas la tête. Ne pouvant parler, il écrivit en grosses lettres, sur une grande feuille de papier à dessin, ces trois mots : « Je vous adore ! » Puis il posa la feuille sur une chaise et plaça une bougie allumée de chaque côté. La belle grisette, armée d’une lorgnette, put lire ainsi la première déclaration de son amant. Elle y répondit par un sourire, et fit signe à Frédéric de descendre pour venir chercher le billet qu’elle lui avait montré.

Le temps était obscur, et il faisait un épais brouillard. Le jeune homme descendit lestement, traversa la rue et entra dans la maison de sa voisine ; la porte était ouverte, et la demoiselle était au bas de l’escalier. Frédéric, l’entourant de ses bras, fut plus prompt à l’embrasser qu’à lui parler. Elle s’enfuit toute tremblante.

— Que m’avez-vous écrit ? demanda-t-il ; quand et comment puis-je vous revoir ?

Elle, s’arrêta, revint sur ses pas, et, glissant son billet dans la main de Frédéric :

— Tenez, lui dit-elle, et ne découchez plus.

Il était arrivé en effet à l’étudiant, depuis peu, de passer, malgré sa sagesse, la nuit hors du logis, et la grisette l’avait remarqué.

Quand deux amoureux sont d’accord, les obstacles sont bien peu de chose. Le billet remis à Frédéric annonçait les plus grandes précautions à prendre, parlait