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— Ne faites pas cette folie, ajouta-t-elle d’un ton léger ; ou, si vous la faisiez par hasard, vous m’écririez un mot à Bruxelles, parce que de là on peut changer de route.

La porte se ferma sur ces paroles, et Valentin, resté seul, sortit de l’hôtel dans le plus grand trouble.

Il ne put dormir de la nuit, et le lendemain, au point du jour, il n’avait encore pris aucun parti sur la conduite qu’il tiendrait. Un billet assez triste de madame Delaunay, reçu à son réveil, l’avait ébranlé sans le décider. À l’idée de quitter la veuve, son cœur se déchirait ; mais à l’idée de suivre en poste l’audacieuse et coquette marquise, il se sentait tressaillir de désir ; il regardait l’horizon, il écoutait rouler les voitures ; les folles équipées du temps passé lui revenaient en tête ; que vous dirai-je ? il songeait à l’Italie, au plaisir, à un peu de scandale, à Lauzun déguisé en postillon ; d’un autre côté, sa mémoire inquiète lui rappelait les craintes si naïvement exprimées un soir par madame Delaunay. Quel affreux souvenir n’allait-il pas lui laisser ! Il se répétait ces paroles de la veuve : Faut-il qu’un jour j’aie horreur de vous ?

Il passa la journée entière renfermé, et après avoir épuisé tous les caprices, tous les projets fantasques de son imagination : Que veux-je donc ? se demanda-t-il. Si j’ai voulu choisir entre ces deux femmes, pourquoi cette incertitude ? et, si je les aime toutes les deux également, pourquoi me suis-je mis de mon propre gré