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voyez si vous me devez quelque reconnaissance.

— Quinze jours, madame ? mais il faut deux mois, et deux mois de travail assidu, pour terminer un pareil ouvrage. Vous mettriez six mois à en venir à bout, si vous l’entrepreniez.

— Vous me paraissez bien au courant ; d’où vous vient tant d’expérience ?

— D’une ouvrière que je connais, et qui certes ne s’y trompe pas.

— Eh bien ! cette ouvrière ne vous a pas tout dit. Vous ne savez pas que pour ces choses-là le plus important, ce sont les fleurs, et qu’on trouve chez les marchands des canevas préparés, où le fond est rempli ; le plus difficile reste à faire, mais le plus long et le plus ennuyeux est fait. C’est ainsi que j’ai acheté ce coussin, qui ne m’a même pas coûté quarante ou cinquante francs, car ce fond ne signifie rien ; c’est un ouvrage de manœuvre pour lequel il ne faut que de la laine et des mains.

Le mot de manœuvre n’avait pas plu à Valentin.

— J’en suis bien fâché, répliqua-t-il, mais ni le fond ni les fleurs ne sont de vous.

— Et de qui donc ? apparemment de l’ouvrière que vous connaissez ?

— Peut-être.

La marquise sembla hésiter un instant entre la colère et l’envie de rire. Elle prit le dernier parti, et se livrant à sa gaieté :