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tretien animé, il s’était arrêté, observant un religieux silence, tandis qu’elle comptait ses points ; cent fois il avait interrompu cette main fatiguée et lui avait rendu le courage par un baiser.

Quand Valentin eut fait porter la causeuse de la marquise dans une petite salle attenante au jardin, il y descendit et examina son cadeau. En regardant de près le coussin, il crut le reconnaître ; il le prit, le retourna, le remit à sa place, et se demanda où il l’avait vu. — Fou que je suis, se dit-il, tous les coussins se ressemblent, et celui-là n’a rien d’extraordinaire. Mais une petite tache faite sur le fond blanc attira tout à coup ses yeux ; il n’y avait pas à se tromper. Valentin avait fait lui-même cette tache, en laissant tomber une goutte d’encre sur l’ouvrage de madame Delaunay, un soir qu’il écrivait près d’elle.

Cette découverte le jeta, comme vous pensez, dans un grand étonnement. — Comment est-ce possible ? se demanda-t-il ; comment la marquise peut-elle m’envoyer un coussin fait par Madame Delaunay ? Il regarda encore : plus de doute, ce sont les mêmes fleurs, les mêmes couleurs. Il en reconnaît l’éclat, l’arrangement ; il les touche comme pour s’assurer qu’il n’est pas trompé par une illusion ; puis il reste interdit, ne sachant comment s’expliquer ce qu’il voit.

Je n’ai que faire de dire que mille conjectures, moins vraisemblables les unes que les autres, se présentèrent à son esprit. Tantôt il supposait que le hasard avait pu