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frappe doucement à une petite porte ; elle s’est ouverte, il entre ; madame Delaunay, devant sa table, travaillait seule en l’attendant ; il s’assoit près d’elle ; elle le regarde, lui prend la main et lui dit qu’elle le remercie de l’aimer encore. Une seule lampe éclaire faiblement la modeste chambrette, mais sous cette lampe est un visage ami, tranquille et bienveillant ; il n’y a plus là ni témoins empressés, ni admiration, ni triomphe. Mais Valentin fait plus que de ne pas regretter le monde, il l’oublie : la vieille mère arrive, s’assoit dans sa bergère, et il faut écouter jusqu’à dix heures les histoires du temps passé, caresser le petit chien qui gronde, rallumer la lampe qui s’éteint. Quelquefois c’est un roman nouveau qu’il faut avoir le courage de lire ; Valentin laisse tomber le livre pour effleurer en le ramassant le petit pied de sa maîtresse ; quelquefois c’est un piquet à deux sous la fiche qu’il faut faire avec la bonne dame, et avoir soin de n’avoir pas trop beau jeu. En sortant de là, le jeune homme revient à pied ; il a soupé hier avec du vin de Champagne, en fredonnant une contredanse ; il soupe ce soir avec une tasse de lait, en faisant quelques vers pour son amie. Pendant ce temps-là, la marquise est furieuse qu’on lui ait manqué de parole ; un grand laquais poudré apporte un billet plein de tendres reproches et sentant le musc ; le billet est décacheté, la fenêtre ouverte, le temps est beau, madame de Parnes va venir : voilà notre étourdi grand seigneur. Ainsi, toujours différent de lui-même, il trouvait moyen