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il se sentait l’envie de lui tout dire, le nom, la rue, le baiser du bal, et de prendre ainsi sa revanche complète sur le billet qu’il avait reçu.

Une question de madame de Parnes soulagea la mauvaise humeur du jeune homme. Elle lui demanda d’un air railleur s’il ne pouvait du moins lui dire le nom de baptême de sa veuve. — Elle s’appelle Julie, répliqua-t-il sur-le-champ. Il y avait dans cette réponse si peu d’hésitation et tant de netteté, que madame de Parnes en fut frappée. — C’est un assez joli nom, dit-elle ; et la conversation tomba tout à coup.

Il arriva alors une chose peut-être difficile à expliquer et peut-être aisée à comprendre. Dès que la marquise crut sérieusement que cette déclaration qui l’avait choquée n’était réellement pas pour elle, elle en parut surprise et presque blessée. Soit que la légèreté de Valentin lui semblât trop forte, s’il en aimait une autre, soit qu’elle regrettât d’avoir montré de la colère mal à propos, elle devint rêveuse, et, ce qui est étrange, en même temps irritée et coquette. Elle voulut revenir sur son pardon, et, tout en cherchant querelle à Valentin, elle s’assit à sa toilette ; elle dénoua le ruban qui entourait son cou, puis le rattacha ; elle prit un peigne, sa coiffure semblait lui déplaire ; elle refaisait une boucle d’un côté, en retranchait une de l’autre ; comme elle arrangeait son chignon, le peigne lui glissa des mains, et sa longue chevelure noire lui couvrit les épaules.