Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Nouvelles et Contes I.djvu/102

Cette page a été validée par deux contributeurs.

épaules. Mais je vois que je fais comme mon héros ; je pense à l’une quand il faut parler de l’autre ; souvenons-nous que la marquise n’allait point à des soirées de notaire.

Quand Valentin pria la veuve de lui accorder une contredanse, un je suis engagée bien sec fut toute la réponse qu’il obtint. Notre étourdi, qui s’y attendait, feignit de n’avoir pas entendu, et répondit : Je vous remercie. Il fit quelques pas là-dessus, et madame Delaunay courut après lui pour lui dire qu’il se trompait. — En ce cas, demanda-t-il aussitôt, quelle contredanse me donnerez-vous ? Elle rougit, et n’osant refuser, feuilletant un petit livre de bal où ses danseurs étaient inscrits : Ce livret me trompe, dit-elle en hésitant ; il y a une quantité de noms que je n’ai pas encore effacés, et qui me troublent la mémoire. C’était bien le cas de tirer le portefeuille à portrait, Valentin n’y manqua pas. — Tenez, dit-il, écrivez mon nom sur la première page de cet album. Il me sera plus cher encore.

Madame Delaunay se reconnut cette fois : elle prit le portefeuille, regarda son portrait, et écrivit à la première page le nom de Valentin ; après quoi, en lui rendant le portefeuille, elle lui dit assez tristement : — Il faut que je vous parle, j’ai deux mots nécessaires à vous dire ; mais je ne puis pas danser avec vous.

Elle passa alors dans une chambre voisine où l’on jouait, et Valentin la suivit. Elle paraissait excessivement embarrassée. — Ce que j’ai à vous demander,