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d’elle, elle n’eût pensé qu’à moi ; que m’importait d’apprendre un mystère qui n’attaquait pas mon bonheur ? Elle consentait, tout finissait là. Il ne fallait qu’un baiser sur les lèvres ; au lieu de cela, voyez ce que je fais.

Un soir que Smith avait dîné avec nous, je m’étais retiré de bonne heure et les avais laissés ensemble. Comme je fermais ma porte, j’entendis Brigitte demander du thé. Le lendemain, en entrant dans sa chambre, je m’approchai par hasard de la table, et à côté de la théière je ne vis qu’une seule tasse. Personne n’était entré avant moi, et par conséquent le domestique n’avait rien emporté de ce dont on s’était servi la veille. Je cherchai autour de moi sur les meubles si je voyais une seconde tasse, et m’assurai qu’il n’y en avait point.

— Est-ce que Smith est resté tard ? demandai-je à Brigitte.

— Il est resté jusqu’à minuit.

— Vous êtes-vous couchée seule, ou avez-vous appelé quelqu’un pour vous mettre au lit ?

— Je me suis couchée seule ; tout le monde dormait dans la maison.

Je cherchais toujours, et les mains me tremblaient. Dans quelle comédie burlesque y a-t-il un jaloux assez sot pour aller s’enquérir de ce qu’une tasse est devenue ? À propos de quoi Smith et madame Pierson auraient-ils bu dans la même tasse ? La noble pensée qui me venait là !

Je tenais cependant la tasse, et j’allais et venais par