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qui représentait plusieurs vues de Suisse. Nous le regardions tous les trois, et, de temps en temps, lorsque Brigitte trouvait un site qui lui plaisait, elle s’y arrêtait pour l’observer. Il y en eut un qui lui parut surpasser de beaucoup tous les autres : c’était un paysage du canton de Vaud, à quelque distance de la route de Brigues : une vallée verte plantée de pommiers où des bestiaux paissaient à l’ombre ; dans l’éloignement, un village consistant en une douzaine de maisons de bois semées en désordre dans la prairie et étagées sur les collines environnantes. Sur le premier plan, une jeune fille, coiffée d’un large chapeau de paille, était assise au pied d’un arbre, et un garçon de ferme, debout devant elle, semblait lui montrer, un bâton ferré à la main, la route qu’il avait parcourue ; il indiquait un sentier tortueux qui se perdait dans la montagne. Au-dessus d’eux paraissaient les Alpes, et le tableau était couronné par trois sommets couverts de neige, teints des nuances du soleil couchant. Rien n’était plus simple, et en même temps rien n’était plus beau que ce paysage. La vallée ressemblait à un lac de verdure, et l’œil en suivait les contours avec la plus parfaite tranquillité.

— Irons-nous ? dis-je à Brigitte. Je pris un crayon et traçai quelques traits sur l’estampe.

— Que faites-vous ? demanda-t-elle.

— Je cherche, lui dis-je, si, avec un peu d’adresse, il faudrait changer beaucoup cette figure pour qu’elle vous ressemblât. La jolie coiffure de cette fille vous