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demeuraient les seuls parents que Brigitte eût encore.

Cependant nos préparatifs se faisaient rapidement, et il n’y avait place dans mon cœur que pour l’impatience du départ ; en même temps la joie que j’éprouvais me laissait à peine un instant de repos. Quand je me levais le matin et que le soleil éclairait nos croisées, je me sentais de tels transports que j’en étais comme enivré ; j’entrais alors sur la pointe du pied dans la chambre où dormait Brigitte. Elle me trouva plus d’une fois, en s’éveillant, à genoux au pied de son lit, la regardant dormir et ne pouvant retenir mes larmes ; je ne savais par quel moyen la convaincre de la sincérité de mon repentir. Si mon amour pour ma première maîtresse m’avait fait faire autrefois des folies, j’en faisais maintenant cent fois plus ; tout ce que la passion portée à l’excès peut inspirer d’étrange ou de violent, je le recherchais avec fureur. C’était un culte que j’avais pour Brigitte, et, quoique son amant depuis plus de six mois, il me semblait, quand je l’approchais, que je la voyais pour la première fois ; j’osais à peine baiser le bas de la robe de cette femme que j’avais si longtemps maltraitée. Ses moindres mots me faisaient tressaillir comme si sa voix m’eût été nouvelle ; tantôt je me jetais dans ses bras en sanglotant, et tantôt j’éclatais de rire sans motif ; je ne parlais de ma conduite passée qu’avec horreur et avec dégoût, et j’aurais voulu qu’il eût existé quelque part un temple consacré à l’Amour, pour m’y laver dans