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le mien ? Était-ce bien la charité seule qui vous servait de divinité dans ce beau temple de verdure que vous traversiez si courageusement ?

Le premier regard de Brigitte, lorsque je commençai à prendre ce ton, ne sortira jamais de ma mémoire ; j’en frissonnai moi-même. — Mais, bah ! pensai-je, elle ferait comme ma première maîtresse, si je prenais fait et cause pour elle ; elle me montrerait au doigt comme un sot ridicule, et je payerais pour tous aux yeux du public.

De l’homme qui doute à celui qui renie, il n’y a guère de distance. Tout philosophe est cousin d’un athée. Après avoir dit à Brigitte que je doutais de sa conduite passée, j’en doutai véritablement, et dès que j’en doutai, je n’y crus pas.

J’en venais à me figurer que Brigitte me trompait, elle que je ne quittais pas une heure par jour ; je faisais quelquefois à dessein des absences assez longues, et je convenais avec moi-même que c’était pour l’éprouver ; mais, au fond, ce n’était que pour me donner, comme à mon insu, sujet de douter et de railler. Alors, j’étais content lorsque je lui faisais remarquer que, bien loin d’être encore jaloux, je ne me souciais plus de ces folles craintes qui me traversaient autrefois l’esprit ; bien entendu que cela voulait dire que je ne l’estimais pas assez pour être jaloux.

J’avais d’abord gardé pour moi-même les remarques que je faisais ; je trouvai bientôt du plaisir à les faire