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toi. Ôte ces fleurs, ôte cette robe. Lavons cette gaieté avec une larme sincère ; ne me fais pas me souvenir que je ne suis que l’enfant prodigue ; je ne sais que trop le passé.

Mais ce repentir même était cruel ; il lui prouvait que les fantômes que j’avais dans le cœur étaient pleins de réalité. En cédant à un mouvement d’horreur, je ne faisais que lui dire clairement que sa résignation et son désir de me plaire ne m’offraient qu’une image impure.

Et c’était vrai. J’arrivais chez Brigitte transporté de joie, jurant d’oublier dans ses bras mes douleurs et ma vie passée ; je protestais à deux genoux de mon respect pour elle jusqu’au pied de son lit ; j’y entrais comme dans un sanctuaire ; je lui tendais les bras en répandant des larmes ; puis elle faisait un certain geste, elle quittait sa robe d’une certaine façon, elle disait un certain mot en s’approchant de moi ; et je me souvenais tout à coup de telle fille qui, en quittant sa robe un soir et approchant de mon lit, avait fait ce geste, avait dit ce mot.

Pauvre âme dévouée ! que souffrais-tu alors en me voyant pâlir devant toi ! lorsque mes bras, prêts à te recevoir, tombaient comme privés de vie sur ton épaule douce et fraîche ! lorsque le baiser se fermait sur ma lèvre, et que le plein regard de l’amour, ce pur rayon de la lumière de Dieu, reculait dans mes yeux comme une flèche que le vent détourne ! Ah ! Brigitte, quels