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avec honte ; une odeur chaude et nauséabonde sortait des murs humides. Lorsque la vieille m’aperçut, elle me regarda en souriant avec un air confidentiel. Elle m’avait vu me glisser le matin hors de la chambre de sa maîtresse. Je frissonnai de dégoût de moi-même et de ce que je venais chercher dans un lieu si bien assorti à l’action ignoble que je méditais. Je me sauvai de cette vieille comme de ma jalousie personnifiée, et comme si l’odeur de sa vaisselle fût sortie de mon propre cœur.

Brigitte était à la fenêtre, arrosant ses fleurs bien-aimées ; un enfant d’une de nos voisines, assis au fond de la bergère et enterré dans les coussins, se berçait à une de ses manches, et lui faisait, la bouche pleine de bonbons, dans son langage joyeux et incompréhensible, un de ces grands discours des marmots qui ne savent pas encore parler. Je m’assis auprès d’elle et baisai l’enfant sur ses grosses joues, comme pour rendre à mon cœur un peu d’innocence. Brigitte me fit un accueil craintif ; elle voyait dans mes regards son image déjà troublée. De mon côté, j’évitais ses yeux ; plus j’admirais sa beauté et son air de candeur, plus je me disais qu’une pareille femme, si elle n’était pas un ange, était un monstre de perfidie. Je m’efforçais de me rappeler chaque parole de Mercanson, et je confrontais pour ainsi dire les insinuations de cet homme avec les traits de ma maîtresse et les contours charmants de son visage.

— Elle est bien belle, me disais-je, bien dangereuse