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un ciel d’un azur foncé. Pas un souffle de vent n’agitait les arbres ; l’air était tiède et embaumé.

Elle était appuyée sur son coude, les yeux au ciel ; je m’étais penché à côté d’elle, et je la regardais rêver. Bientôt je levai les yeux moi-même ; une volupté mélancolique nous enivrait tous deux. Nous respirions ensemble les tièdes bouffées qui sortaient des charmilles ; nous suivions au loin dans l’espace les dernières lueurs d’une blancheur pâle que la lune entraînait avec elle en descendant derrière les masses noires des marronniers. Je me souvins d’un certain jour que j’avais regardé avec désespoir le vide immense de ce beau ciel ; ce souvenir me fit tressaillir ; tout était si plein maintenant ! Je sentis qu’un hymne de grâces s’élevait dans mon cœur, et que notre amour montait à Dieu. J’entourai de mon bras la taille de ma chère maîtresse ; elle tourna doucement la tête ; ses yeux étaient noyés de larmes. Son corps plia comme un roseau, ses lèvres entr’ouvertes tombèrent sur les miennes, et l’univers fut oublié.