Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Confession d’un enfant du siècle.djvu/208

Cette page a été validée par deux contributeurs.

dorénavant. Pas un mot, du reste, de Mercanson ni de sa maladie.

Cette précaution lui était si peu naturelle, et contrastait d’une manière si étrange avec la fierté indifférente qu’elle témoignait pour toute espèce de propos de ce genre, que j’eus d’abord peine à y croire. Ne sachant cependant quelle autre interprétation trouver, je lui répondis que je n’avais rien tant à cœur que de lui obéir. Mais, malgré moi, les expressions dont je me servis se ressentaient de quelque amertume.

Je retardai même volontairement le jour où il m’était permis de l’aller voir, et n’envoyai point demander de ses nouvelles, afin de la persuader que je ne croyais point à sa maladie. Je ne savais par quelle raison elle m’éloignait ainsi ; mais j’étais, en vérité, si malheureux, que je pensais parfois sérieusement à en finir avec cette vie insupportable. Je demeurais des journées entières dans les bois ; le hasard l’y fit me rencontrer un jour, dans un état à faire pitié.

Ce fut à peine si j’eus le courage de lui demander quelques explications ; elle n’y répondit pas franchement, et je ne revins plus sur ce sujet. J’en étais réduit à compter les jours que je passais loin d’elle, et à vivre des semaines sur l’espoir d’une visite. À tout moment, je me sentais l’envie de me jeter à ses genoux et de lui peindre mon désespoir. Je me disais qu’elle ne pourrait y être insensible, qu’elle me payerait du moins de quelques paroles de pitié ; mais, là-dessus, son brusque