Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Confession d’un enfant du siècle.djvu/197

Cette page a été validée par deux contributeurs.

gracieux : — Venez demain dans la journée ; je vous recevrai. Elle partit là-dessus.

Le lendemain, j’y allai à midi. On m’introduisit dans une chambre à vieilles tapisseries et à meubles antiques. Je la trouvai seule, assise sur un sofa. Je m’assis en face d’elle.

— Madame, lui dis-je, je ne viens ni vous parler de ce que je souffre, ni renier l’amour que j’ai pour vous. Vous m’avez écrit que ce qui s’était passé entre nous ne pouvait s’oublier, et c’est vrai. Mais vous me dites qu’à cause de cela nous ne pouvons plus nous revoir sur le même pied qu’auparavant, et vous vous trompez. Je vous aime, mais je ne vous ai point offensée ; rien n’est changé pour ce qui vous regarde, puisque vous ne m’aimez pas. Si je vous revois, c’est donc uniquement de moi qu’il faut qu’on vous réponde, et ce qui vous en répond, c’est précisément mon amour.

Elle voulut m’interrompre.

— Permettez-moi, de grâce, d’achever. Personne mieux que moi ne sait que, malgré tout le respect que je vous porte, et en dépit de toutes les protestations par lesquelles je pourrais me lier, l’amour est le plus fort. Je vous répète que je ne viens pas renier ce que j’ai dans le cœur. Mais ce n’est pas d’aujourd’hui, d’après ce que vous me dites vous-même, que vous savez que je vous aime. Quelle raison m’a donc empêché jusqu’à présent de vous le déclarer ? La crainte de vous perdre ; j’avais peur d’être renvoyé de chez vous, et c’est ce qui