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CHAPITRE VI


J’étais un soir chez madame Pierson. Plus de trois mois s’étaient passés, durant lesquels je l’avais vue presque tous les jours ; et de ce temps, que vous en dirai-je, sinon que je la voyais ? « Être avec les gens qu’on aime, dit la Bruyère, cela suffit ; rêver, leur parler, ne leur parler point, penser à eux, penser à des choses plus indifférentes, mais auprès d’eux, tout est égal. »

J’aimais. Depuis trois mois, nous avions fait ensemble de longues promenades ; j’étais initié dans les mystères de sa charité modeste ; nous traversions les sombres allées, elle sur un petit cheval, moi à pied, une baguette à la main ; ainsi, moitié courant, moitié rêvant, nous allions frapper aux chaumières ; il y avait un petit banc à l’entrée du bois, où j’allais l’attendre après dîner ; nous nous trouvions de cette sorte comme par hasard et régulièrement. Le matin, la musique, la lecture ; le soir, avec la tante, la partie de cartes au coin du feu, comme autrefois mon père ; et toujours, en tout lieu, elle près de là, elle souriant, et sa présence remplissant mon cœur. Par quel chemin, ô Providence ! m’avez-vous