Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Confession d’un enfant du siècle.djvu/170

Cette page a été validée par deux contributeurs.

fermier, que je connaissais, y était assis près de son lit ; je frappai aux carreaux en l’appelant. Au même instant, la porte s’ouvrit, et je fus surpris de voir madame Pierson, que je reconnus aussitôt, et qui demanda qui était dehors.

Je m’attendais si peu à la trouver là, qu’elle s’aperçut de mon étonnement. J’entrai dans la chambre en lui demandant la permission de me mettre à l’abri. Je n’imaginais pas ce qu’elle pouvait faire à une pareille heure dans une ferme presque perdue au milieu de la campagne, lorsqu’une voix plaintive qui sortait du lit me fit tourner la tête, et je vis que la femme du fermier était couchée, avec la mort sur le visage.

Madame Pierson, qui m’avait suivi, s’était rassise en face du pauvre homme, qui paraissait accablé de douleur ; elle me fit signe de ne pas faire de bruit : la malade dormait. Je pris une chaise et m’assis dans un coin, jusqu’à ce que l’orage fût passé.

Pendant que je restais là, je la vis se lever de temps en temps, aller au lit, puis parler bas au fermier. Un des enfants, que j’attirai sur mes genoux, m’apprit qu’elle venait tous les soirs depuis que sa mère était malade, et qu’elle passait quelquefois la nuit. Elle faisait l’office d’une sœur de charité ; il n’y en avait point d’autre qu’elle dans le pays, et un seul médecin fort ignorant. — C’est Brigitte la Rose, me dit-il à voix basse ; est-ce que vous ne la connaissez pas ?

— Non, lui dis-je de même ; pourquoi l’appelle-t-on