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CHAPITRE III


Comme je me promenais un soir dans une allée de tilleuls à l’entrée du village, je vis sortir une jeune femme d’une maison écartée. Elle était mise très simplement et voilée, en sorte que je ne pouvais voir son visage ; cependant sa taille et sa démarche me parurent si charmantes que je la suivis des yeux quelque temps. Comme elle traversait une prairie voisine, un chevreau blanc, qui paissait en liberté dans un champ, accourut à elle ; elle lui fit quelques caresses et regarda de côté et d’autre, comme pour chercher une herbe favorite à lui donner. Je vis près de moi un mûrier sauvage ; j’en cueillis une branche et m’avançai en la tenant à la main. Le chevreau vint à moi à pas comptés, d’un air craintif ; puis il s’arrêta, n’osant pas prendre la branche dans ma main. Sa maîtresse lui fit signe comme pour l’enhardir ; mais il la regardait d’un œil inquiet ; elle fit quelques pas jusqu’à moi, posa la main sur la branche, que le chevreau prit aussitôt. Je la saluai et elle continua sa route.

Rentré chez moi, je demandai à Larive s’il ne savait pas qui demeurait dans le village à l’endroit que je lui