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sine ! les cœurs des hommes sont à toi. Tu le sais bien, enchanteresse, avec ta moelleuse langueur qui n’a pas l’air de s’en douter. Tu sais bien que tu perds, tu sais bien que tu noies ; tu sais qu’on va souffrir lorsqu’on t’aura touchée ; tu sais qu’on meurt de tes sourires, du parfum de tes fleurs, du contact de tes voluptés ; voilà pourquoi tu te livres avec tant de mollesse, voilà pourquoi ton sourire est si doux, tes fleurs si fraîches ; voilà pourquoi tu poses si doucement ton bras sur nos épaules. Ô Dieu ! ô Dieu ! que veux-tu donc de nous ?

Le professeur Hallé a dit un mot terrible : « La femme est la partie nerveuse de l’humanité, et l’homme la partie musculaire. » Humboldt lui-même, ce savant grave et sérieux, a dit qu’autour des nerfs humains était une atmosphère invisible. Je ne parle pas des rêveurs qui suivent le vol tournoyant des chauves-souris de Spallanzani, et qui pensent avoir trouvé un sixième sens à la nature. Telle qu’elle est, ses mystères sont bien assez redoutables, ses puissances bien assez profondes, à cette nature qui nous crée, nous raille et nous tue, sans qu’il faille encore épaissir les ténèbres qui nous entourent ! Mais quel est l’homme qui croit avoir vécu, s’il nie la puissance des femmes ? s’il n’a jamais quitté une belle danseuse avec des mains tremblantes ? s’il n’a jamais senti ce je ne sais quoi indéfinissable, ce magnétisme énervant qui, au milieu d’un bal, au bruit des instruments, à la chaleur qui fait pâlir les lustres, sort peu à peu d’une jeune femme, l’électrise