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la femme, ou comme la compagne et la consolation de l’homme, ou comme l’instrument sacré de sa vie, et, sous ces deux formes, qui ne l’ait honorée. Cependant voilà un guerrier armé qui saute dans l’abîme que Dieu a creusé de ses mains entre l’homme et l’animal ; autant vaudrait renier la parole. Quel Titan muet est-ce donc, pour oser refouler sous les baisers du corps l’amour de la pensée, et pour se planter sur les lèvres le stigmate qui fait la brute, le sceau du silence éternel ?

Il y a là un mot à savoir. Il souffle là-dessous le vent de ces forêts lugubres qu’on appelle corporations secrètes, un de ces mystères que les anges de destruction se chuchotent à l’oreille lorsque la nuit descend sur la terre. Cet homme est pire ou meilleur que Dieu ne l’a fait. Ses entrailles sont comme celles des femmes stériles : ou la nature ne les a qu’ébauchées, ou il s’y est distillé dans l’ombre quelque herbe vénéneuse.

Eh bien ! ni le travail ni l’étude n’ont pu te guérir, mon ami. Oublie et apprends, voilà ta devise. Tu feuilletais des livres morts ; tu es trop jeune pour les ruines. Regarde autour de toi ; le pâle troupeau des hommes t’environne. Les yeux des sphinx étincellent au milieu des divins hiéroglyphes ; déchiffre le livre de vie ! Courage, écolier, lance-toi dans le Styx, le fleuve invulnérable, et que ses flots en deuil te mènent à la mort ou à Dieu.