Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Confession d’un enfant du siècle.djvu/103

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Votre maîtresse elle-même ; elle le raconte à qui veut l’entendre, tout aussi gaiement que nous vous racontons sa propre histoire. Elle soutient que vous l’aimez encore, que vous montez la garde à sa porte, enfin… tout ce que vous pensez ; qu’il vous suffise de savoir qu’elle en parle publiquement.

Je n’ai jamais pu mentir, et toutes les fois qu’il m’est arrivé de vouloir déguiser la vérité, mon visage m’a toujours trahi. L’amour-propre, la honte d’avouer ma faiblesse devant témoins, me firent cependant faire un effort. — Il est bien certain, me disais-je d’ailleurs, que j’étais dans la rue. Mais si j’avais su que ma maîtresse était pire encore que je ne la croyais, je n’y eusse sans doute pas été. Enfin je me persuadais qu’on ne pouvait m’avoir vu distinctement ; je tentai de nier. Le rouge me monta à la figure avec une telle force que je sentis moi-même l’inutilité de ma feinte ; Desgenais en sourit. — Prenez garde, lui dis-je, prenez garde ! n’allons pas trop loin !

Je continuais à marcher comme un fou ; je ne savais à qui m’en prendre ; il aurait fallu rire, et c’était encore plus impossible. En même temps, des signes évidents m’apprenaient ma faute ; j’étais convaincu. — Est-ce que je le savais ? m’écriai-je ; est-ce que je savais que cette misérable ?…

Desgenais pinça les lèvres comme pour signifier : Vous en saviez assez.

Je demeurais court, balbutiant à tout moment une