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La marquise.

Monsieur, voilà de la poésie.

Le comte.

Non, madame ; mais ces fadaises, ces balivernes qui vous ennuient, ces compliments, ces déclarations, tout ce radotage, sont de très bonnes anciennes choses, convenues, si vous voulez, fatigantes, ridicules parfois, mais qui en accompagnent une autre, laquelle est toujours jeune.

La marquise.

Vous vous embrouillez ; qu’est-ce qui est toujours vieux, et qu’est-ce qui est toujours jeune ?

Le comte.

L’amour.

La marquise.

Monsieur, voilà de l’éloquence.

Le comte.

Non, madame ; je veux dire ceci : que l’amour est immortellement jeune, et que les façons de l’exprimer sont et demeureront éternellement vieilles. Les formes usées, les redites, ces lambeaux de romans qui vous sortent du cœur on ne sait pas pourquoi, tout cet entourage, tout cet attirail, c’est un cortège de vieux chambellans, de vieux diplomates, de vieux ministres, c’est le caquet de l’antichambre d’un roi ; tout cela passe, mais ce roi-là ne meurt pas. L’amour est mort, vive l’amour !