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Le comte.

Vous riez de tout ; mais, sincèrement, serait-il possible que, depuis un an, vous voyant presque tous les jours, faite comme vous êtes, avec votre esprit, votre grâce et votre beauté…

La marquise.

Mais mon Dieu ! c’est bien pis qu’une phrase, c’est une déclaration que vous me faites là. Avertissez au moins : est-ce une déclaration, ou un compliment de bonne année ?

Le comte.

Et si c’était une déclaration ?

La marquise.

Oh ! c’est que je n’en veux pas ce matin. Je vous ai dit que j’allais au bal, je suis exposée à en entendre ce soir ; ma santé ne me permet pas ces choses-là deux fois par jour.

Le comte.

En vérité, vous êtes décourageante, et je me réjouirai de bon cœur quand vous y serez prise à votre tour.

La marquise.

Moi aussi, je m’en réjouirai. Je vous jure qu’il y a des instants où je donnerais de grosses sommes pour avoir seulement un petit chagrin. Tenez, j’étais comme cela pendant qu’on me coiffait, pas plus tard que tout à l’heure. Je poussais des soupirs à me fendre l’âme, de désespoir de ne penser à rien.