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Chavigny.

Oui, et si les hommes avaient le sens commun là-dessus, les femmes ne seraient pas si prudentes.

Madame de Léry.

C’est possible ; les liaisons d’aujourd’hui sont des mariages, et quand il s’agit d’un jour de noce, cela vaut la peine d’y penser.

Chavigny.

Vous avez mille fois raison ; et, dites-moi, pourquoi en est-il ainsi ? pourquoi tant de comédie et si peu de franchise ? Une jolie femme qui se fie à un galant homme ne saurait-elle le distinguer ? Il n’y a pas que des sots sur la terre.

Madame de Léry.

C’est une question en pareille circonstance.

Chavigny.

Mais je suppose que, par hasard, il se trouve un homme qui, sur ce point, ne soit pas de l’avis des sots ; et je suppose qu’une occasion se présente où l’on puisse être franc sans danger, sans arrière-pensée, sans crainte des indiscrétions.

Il lui prend la main.

Je suppose qu’on dise à une femme : Nous sommes seuls, vous êtes jeune et belle, et je fais de votre esprit et de votre cœur tout le cas qu’on en doit faire. Mille obstacles nous séparent, mille chagrins nous attendent, si nous essayons de nous revoir demain. Votre fierté ne