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grate en manquant de reconnaissance. Que puis-je faire pour vous remercier dignement ? je n’ai que la ressource d’obéir. Il veut que je l’oublie, n’est-ce pas ?… Dites-lui que je l’oublierai.

La Reine.

Vous m’avez donc bien mal comprise, ou je me suis bien mal exprimée. Je suis votre reine, il est vrai, mais si je ne voulais qu’être obéie, enfant que vous êtes, je ne serais pas venue. Voulez-vous m’écouter une dernière fois ?

Carmosine.

Oui, madame ;] je vois maintenant que ce secret qui était ma souffrance, et qui était aussi mon seul bien, tout le monde le connaît. Le roi me méprise, [et je pensais bien qu’il en devait être ainsi, mais je n’en étais pas certaine.] Ma triste histoire, il l’a racontée ; ma romance, on la chante à table, devant ses chevaliers et ses barons. Cette bague, elle ne vient pas de lui ; Minuccio me l’avait laissé croire. À présent, il ne me reste rien ; ma douleur même ne m’appartient plus. Parlez, madame, tout ce que je puis dire, c’est que vous me voyez résignée à obéir, ou à mourir.

La Reine.

Et c’est précisément ce que nous ne voulons pas, et je vais vous dire ce que nous voulons. Écoutez donc : oui, c’est le roi qui veut d’abord que vous guérissiez, et que vous reveniez à la vie ; c’est lui qui trouve que ce serait grand dommage qu’une si belle créature vînt