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s’épure en se montrant au grand jour, et s’ennoblisse par sa cause même.

Carmosine, fléchissant le genou.

Ah ! madame, vous êtes la reine !

La Reine.

Vous voyez donc bien, mon enfant, que je ne vous dis pas d’oublier don Pèdre.

Carmosine.

Je l’oublierai, n’en doutez pas, madame, si la mort peut faire oublier. Votre bonté est si grande, qu’elle ressemble à Dieu ! Elle me pénètre d’admiration, de respect et de reconnaissance ; mais elle m’accable, elle me confond. Elle me fait trop vivement sentir combien je suis peu digne d’en être l’objet… Pardonnez-moi, je ne puis exprimer… Permettez que je me retire, que je me cache à tous les yeux.

La Reine.

Remettez-vous, ma belle, calmez-vous. Ai-je rien dit qui vous effraie ?

Carmosine.

Ce n’est pas de la frayeur que je ressens. Ô mon Dieu ! vous ici ! la reine ! Comment avez-vous pu savoir ?… Minuccio m’a trahie sans doute… Comment pouvez-vous jeter les yeux sur moi ?… Vous me tendez la main, madame ! Ne me croyez-vous pas insensée ?… Moi, la fille de maître Bernard, avoir osé élever mes regards !… Ne croyez-vous pas que ma démence est un crime, et que vous devez m’en punir ?… Ah ! sans nul doute,