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Carmosine.

Que dites-vous ?

La Reine.

Supposez plus encore. Imaginez que c’est un très-grand seigneur, un prince ; que le rang qu’il occupe, que le nom seul qu’il porte, mettent à jamais entre elle et lui une barrière infranchissable… Imaginez que c’est le roi.

Carmosine.

Ah ! madame ! qui êtes-vous ?

La Reine.

Imaginez que la sœur de ce prince, ou sa femme, si vous voulez, soit instruite de cet amour, qui est le secret de ma jeune amie, et que, loin de ressentir pour elle ni aversion ni jalousie, elle ait entrepris de la consoler, de la persuader, de lui servir d’appui, de l’arracher à sa retraite, pour lui donner une place auprès d’elle dans le palais même de son époux ; imaginez qu’elle trouve tout simple que cet époux victorieux, le plus vaillant chevalier de son royaume, ait inspiré un sentiment que tout le monde comprendra sans peine ; figurez-vous qu’elle n’a aucune défiance, aucune crainte de sa jeune rivale, non qu’elle fasse injure à sa beauté, mais parce qu’elle croit à son honneur ; supposez qu’elle veuille enfin que cette enfant, qui a osé aimer un si grand prince, ose l’avouer, afin que cet amour, tristement caché dans la solitude,