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voir… Ce songe qui me semblait heureux, j’y vois clair maintenant, il me fait horreur !

Maître Bernard.

Carmosine, ma fille bien-aimée ! par quelle fatalité inconcevable…

Perillo écarte la tapisserie sans être vu de Carmosine ; il fait un signe d’adieu à Bernard, et sort doucement.
Carmosine.

Que regardez-vous donc, mon père ?

Maître Bernard.

Qu’as-tu, toi-même ? tu pâlis, tu frissonnes ; qu’éprouves-tu ? Écoute-moi ; il y a dans ta pensée un secret que je ne connais pas, et ce secret cause ta souffrance ; je ne voudrais pas te le demander ; mais, tant que je l’ignorerai, je ne puis te guérir, et je ne peux pas te laisser mourir. Qu’as-tu dans le cœur ? Explique-toi.

Carmosine.

Cela me fait beaucoup de mal, lorsque vous me parlez ainsi.

Maître Bernard.

Que veux-tu ? Je te le répète, je ne peux pas te laisser mourir. Toi si jeune, si forte, si belle ! Doutes-tu de ton père ? Ne diras-tu rien ? T’en iras-tu comme cela ? Nous sommes riches, mon enfant ; si tu as quelques désirs,… les jeunes filles sont parfois bien folles, qu’importe ? il te faut un mot, rien de plus, un mot dit à l’oreille de ton père. Le mal dont tu souffres n’est pas naturel ; [ces faux espoirs que tu nous donnes, ces mo-