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non, elle y viendra, et vous jugerez par vous-même de ce qui se passe dans son cœur.

Maître Bernard.

Et pourquoi ne parlerait-elle pas, si vous aviez raison ? Suis-je donc un tyran, s’il vous plaît ? Ai-je jamais rien refusé à ma fille, à mon unique bien ? Est-ce qu’il peut lui tomber une larme des yeux sans que tout mon cœur… Juste ciel ! plutôt que de la voir ainsi s’éteindre sans dire une parole, est-ce que je ne voudrais pas ?… Allons ! vous me rendriez fou !

Ils sortent chacun d’un côté différent.



Scène II


PERILLO, seul, entrant.

Personne ici ! Il me semblait avoir entendu parler dans cette chambre. Les clefs sont aux portes, la maison est déserte. D’où vient cela ? En traversant la cour, un pressentiment m’a saisi… Rien ne ressemble tant au malheur que la solitude ; … maintenant j’ose à peine avancer. — Hélas ! je reviens de si loin, seul et presque au hasard ; j’avais écrit pourtant, mais je vois bien qu’on ne m’attendait pas. Depuis combien d’années ai-je quitté ce pays ? Six ans ! Me reconnaîtra-t-elle ? Juste ciel ! comme le cœur me bat ! Dans cette maison de notre enfance, à chaque pas un souvenir m’arrête. Cette salle, ces meubles, les murailles même, tout m’est