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Le marquis.

Pourquoi donc pas ? Cela vous paraît-il si étrange, qu’en vous offrant d’être votre époux, je vous parle de remonter sur la scène ? Oui, je me souviens que, ce matin, vous me disiez qu’une fois mariée, vous y comptiez renoncer pour toujours ; mais je vous ai répondu, ce me semble, que ce n’était point mon avis, ni de mon goût, je vous assure. Est-ce qu’on résiste à son talent ? En a-t-on la force, en a-t-on le droit, surtout quand ce talent heureux vous a portée sur cette jolie montagne où les Muses dansent autour d’Apollon, et les abeilles autour des Muses ?… Croyez-vous donc que l’on puisse être tout bonnement baronne ou marquise, en revenant de ce pays-là ? Oh ! que non pas ! La nature parle : bon gré, mal gré, il faut qu’on l’écoute. Eh ! palsambleu ! un poète fait des vers et un musicien des chansons, tout comme un pommier fait des pommes. Lorsqu’on me raconte que Rossini se tait, je déclare que je n’en crois rien. Et vous non plus, Bettine, vous ne vous tairez pas. Vous retrouverez force et vaillance, vous reprendrez la harpe de Desdémone, et moi ma place dans mon petit coin, à côté de mon cher quinquet. Vous reverrez cette foule émue, attentive, qui suit vos moindres gestes, qui respire avec vous, ce parterre qui vous aime tant, ces vieux dilettanti qui frappent de leurs cannes, ces jeunes dandies qui, parés pour le bal, déchirent leurs gants en vous applaudissant, ces belles dames dans leurs loges dorées, qui,