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savait que, lorsqu’une femme frappe le cœur d’une autre, elle rend toute espèce de retour impossible, et que la blessure ne se guérit pas. Ô perfide ! le jour même qui était fixé, qu’il avait choisi pour notre mariage !… Hier au soir, il fallait voir comme il savait dissimuler ! Il semblait, dans son impatience, souffrir d’attendre qu’il fît jour. Ô ciel ! c’est moi qu’on joue ainsi ! mon âme loyale ainsi traitée ! Vous me connaissez, marquis, n’est-ce pas ? Eh bien ! j’ai combattu mon caractère trop vif, j’ai plié mon orgueil, afin de supporter ce qui me révoltait souvent, mais du moins ce que je croyais fait sans fausseté, sans dessein de nuire. Maintenant, je te vois tel que tu es, traître, et tu déchires mon cœur et mon honneur !

Le marquis.

Ah ça ! je pense à un mot de cette lettre. Lorsqu’il vous dit qu’il ne vous laisse pas seule, qu’est-ce qu’il entend par ces paroles ? Est-ce donc que Calabre reste auprès de vous ?

Calabre.

Oh ! non, monsieur, cela signifie autre chose.

Bettine.

Tais-toi, Calabre.

Le marquis.

Pourquoi donc ? — Est-ce une indiscrétion que je viens de commettre ?

Bettine ne répond pas. Calabre fait un signe au marquis, et lui montre l’écrin qui est sur la table.