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rendu mon salut. Est-ce que je lui ai fait quelque chose ?

Bettine.

Plaisantez-vous ? Il vous connaît à peine.

Le marquis.

Vous pourriez même dire pas du tout.

Bettine.

Il ne vous aura sûrement pas vu. Il était très préoccupé.

Le marquis.

Oui,… je comprends bien ;… cet argent perdu, pas vrai ? ce jeune homme-là joue trop gros jeu.

Bettine.

Oui.

Le marquis.

Oui, et il ne sait pas jouer.

Bettine s’assied pensive.

Il ne faut pas croire que le lansquenet, tout bête qu’il est, soit de pur hasard. Il y a manière de perdre son argent. Je sais bien qu’à tout prendre c’est un jeu aussi savant que pile ou face ou la bataille. L’indifférent qui regarde n’en voit point davantage ; mais demandez à celui qui touche aux cartes si elles ne lui représentent que cela. Ces petits morceaux de carton peint ne sont pas seulement pour lui rouge ou noir ; ils veulent dire heur ou malheur. La fortune, dès qu’on l’appelle, peu importe par quel moyen, accourt et voltige autour de la table, tantôt souriante, tantôt sévère ; ce qu’il