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Steinberg.

Brisons là, je vous en prie. Je n’ajouterai qu’un seul mot : j’étais prêt à vous épouser lorsque je croyais pouvoir vous assurer une existence honorable et libre ; maintenant je ne le puis plus.

Bettine.

Pourquoi cela ? où est le motif ?

Steinberg.

Où est le motif ? Et mon nom ? et ma famille ? et mes amis ? et le monde ?…

Bettine.

Ah ! voilà l’obstacle.

Steinberg.

Oui, le voilà, comprenez-le donc ; oui, c’est le monde qui nous sépare, le monde, dont personne ne peut se passer, qui est mon élément, qui est ma vie, dont je n’attends rien, dont j’ai tout à craindre, mais que j’aime par-dessus tout ; le monde, l’impitoyable monde, qui nous laisse faire, nous regarde en souriant, qui ne nous préviendrait pas d’un danger, mais qui, le lendemain d’une faute, se ferme devant nous comme un tombeau.

Bettine.

Je ne croyais pas le monde si méchant.

Steinberg.

Il ne l’est pas du tout, madame. Il a raison dans tout ce qu’il fait. C’est incroyable ce qu’il pardonne, et comme il vous soutient, comme il vous défend, par