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À pleurer ensuite. Que demande donc l’impitoyable hasard ? Quelles précautions, quelles prières faut-il donc pour mener à bien le souhait le plus simple, la plus chétive espérance ? Vous avez bien dit, monsieur le comte, j’insiste sur un enfantillage, mais il m’était doux d’y insister ; et vous, si fier ou si infidèle, il ne vous eût pas coûté beaucoup de vous prêter à cet enfantillage. Ah ! il ne m’aime plus, il ne m’aime plus. Il vous aime, madame de Blainville !

Elle pleure.

Allons ! il n’y faut plus penser. Jetons au feu ce hochet d’enfant qui n’a pas su arriver assez vite ; si je le lui avais donné ce soir, il l’aurait peut-être perdu demain. Ah ! sans nul doute, il l’aurait fait ; il laisserait ma bourse traîner sur sa table, je ne sais où, dans ses rebuts, tandis que l’autre le suivra partout, tandis qu’en jouant, à l’heure qu’il est, il la tire avec orgueil ; je le vois l’étaler sur le tapis, et faire résonner l’or qu’elle renferme. Malheureuse ! je suis jalouse ; il me manquait cela pour me faire haïr !

Elle va jeter sa bourse au feu, et s’arrête.

Mais qu’as-tu fait ? Pourquoi te détruire, triste ouvrage de mes mains ? Il n’y a pas de ta faute ; tu attendais, tu espérais aussi ! Tes fraîches couleurs n’ont point pâli durant cet entretien cruel ; tu me plais, je sens que je t’aime ; dans ce petit réseau fragile, il y a quinze jours de ma vie ; ah ! non, non, la main qui t’a faite ne te tuera pas ; je veux te conserver, je veux t’achever ; tu