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Le marquis.

Est-ce un beau pays ?

La comtesse.

Je ne peux pas trop vous dire, je ne m’y connais pas. On se donne beaucoup de fatigue pour visiter toutes sortes d’endroits, et je ne vois pas la différence. C’est une faculté qui m’est refusée. On me montre des châteaux, des bois, des rivières, des églises surtout… Ah, Dieu ! les églises, les églises gothiques, il y fait un froid ! c’est un rhume de tous les jours. Je me souviens encore de mes réveils, quand j’étais le matin dans un lit bien chaud, brisée par un voyage en poste, et que M. de Vernon entrait dans ma chambre avec la perspective d’une cathédrale !

Le marquis.

Oui, cela doit être fort pénible.

La comtesse.

À se faire Turc pour rester chez soi. Et notez bien que ce n’était pas assez d’essuyer des caveaux humides, de se tordre le cou pour voir des rosaces. Le triomphe de mon mari était de monter dans les flèches, et l’on me hissait après lui. Connaissez-vous ce travail-là ? On grimpe en rond autour d’un pilier, dans une tourelle qui vous suffoque, et l’on s’en va montant et tournant toujours, comme avec un tire-bouchon dans la tête, jusqu’à ce que le mal de mer vous prenne, et qu’on ferme les yeux pour ne pas tomber. C’est alors que