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Ne vous en plaignez pas ! Vos pleurs me font envie.
Quand vous saurez un jour ce que c’est que la vie,
Ces pleurs, si doucement et sitôt répandus,
Vous les regretterez, et n’en verserez plus.

La duchesse.

Oui, si cela vous plaît, vous en pouvez sourire ;
Mais en sont-ils moins vrais, madame, et peut-on dire,
Quand la souffrance est là, qu’on souffre sans raison ?

La maréchale.

Tout aveu d’une peine aide à sa guérison.
Laissez-vous être vraie, et sachons ce mystère.

La duchesse.

Je n’ai point de secret. Que puis-je dire ou taire ?

La maréchale.

Bah ! quand ce ne serait qu’un caprice d’enfant,
Est-ce que près de moi votre cœur se défend ?
Qui vous fait hésiter et manquer de courage ?
Est-ce la défiance ? est-ce mon rang, mon âge ?
Est-ce mon amitié dont vous vous éloignez ?
Est-ce la maréchale ou moi que vous craignez ?
De grâce, allons.

La duchesse.

De grâce, allons.Je sais combien vous êtes bonne,
Mais je ne puis parler.

La maréchale.

Mais je ne puis parler.Alors, je vous l’ordonne.
Votre mère, Lucile, à son dernier soupir,
Vous a léguée à moi. — Vous devez obéir.